Cette fête a été bien bousculé par la COVID mais cela ne nous empêche pas d’une part de chercher à mieux connaître la Cause à travers la vidéo ci-dessous, et cela ne nous a pas empêcher non plus de vivre un beau culte avec elle. Le dimanche 18 octobre dernier.
Prédication donnée par le pasteur Bonnet,
lors du culte du 18 octobre 2020 au temple de Romans
(version pdf à télécharger)
Esaïe 12.9b-12 « Au lieu de vivre dans la nuit, tu seras comme en plein midi »
Jacques 1.19-27 « Ne vous contentez pas d’écouter la Parole »
Savez-vous chers amis que Luther n’appréciait pas beaucoup cette épître de Jacques. Il la qualifiait d’épître « de paille », car selon lui le message de cette épître était trop éloigné de ce qu’il avait découvert chez Paul, notamment dans l’épître aux Romains à savoir que « le juste vivra par la foi » (Rom 1.17). Vous savez que cette découverte est à la base de la foi protestante : le salut ne s’achète pas, ce n’est pas par nos mérites que nous pouvons espérer obtenir la faveur de Dieu (Rom 2.24), car nous sommes et nous restons des pêcheurs, c’est-à-dire des révoltés contre Dieu. Même si nous voulons faire le bien, nous n’y arrivons pas. Luther qui avait longtemps été tourmenté par le péché qu’il constatait en lui a fait cette découverte du salut offert gratuitement par Dieu, alors que nous ne le méritons pas, le centre même de l’Évangile. Or l’épître de Jacques nous dit au chapitre 2 « si la foi ne se manifeste pas par des œuvres, elle n’est qu’une chose morte » (2.17). À la fin de ce chapitre il conclut : « De même que le corps sans le souffle de vie est mort, de même la foi sans les actes est morte. » (2.26)
Une telle affirmation prend un peu trop à rebrousse-poil la théologie élaborée par Luther, voilà pourquoi il préférait considérer cette épître de Jacques comme une épître de 2e catégorie, à ses yeux encore trop influencée par le judaïsme et par le souci d’obéir à une loi, à des commandements, d’être soumis à des pratiques religieuses.
Ce débat que je décris entre Luther et l’épître de Jacques, il s’est poursuivi longtemps au sein du protestantisme, au point même d’occasionner des divisions. Longtemps, c’est-à-dire au moins pendant un siècle, jusque dans les années 1950, les protestants ont été divisés en deux courants. D’un côté il y avait les piétistes qui mettaient en avant le besoin d’une conversion spirituelle, permettant d’accéder à une relation personnelle avec Dieu, avec l’idée de rechercher sans cesse une forme de sanctification pour se rapprocher de Dieu encore. Et de l’autre côté il y avait ceux qui mettaient en avant une morale chrétienne, calquée sur le message de solidarité et d’altruisme de Jésus. C’est ainsi qu’on a vu apparaître tout au long du XIXe siècle de grandes œuvres protestantes dont certaines perdurent aujourd’hui.
Mais cette division au sein du protestantisme était-elle justifiée ? Je vous fais d’ailleurs remarquer qu’on la trouve à l’identique ou presque au sein du catholicisme, entre ce qu’ont représenté les prêtres ouvriers par exemple, et une partie des membres de l’Église beaucoup plus attachés aux traditions, au ritualisme.
Il vaut la peine de se repencher sur l’épître de Jacques et de voir si elle peut réconcilier les deux aspects de la foi chrétienne. Je vais souligner trois aspects à partir du texte que nous avons lu.
premièrement la convergence avec ce que l’on trouve dans le sermon sur la montagne
ensuite, la nécessité de mettre la parole en pratique dans nos vies
et enfin, cette question importante : c’est quoi une religion « authentique » ?
1- Jacques, frère de Jésus ?
Vous ne le savez peut-être pas, mais la tradition considère que l’apôtre Jacques pourrait être un des frères de Jésus. Jésus était bien sûr le fils aîné de cette famille, et on imagine que les deux garçons ont grandi ensemble, qu’ils ont bénéficié de l’enseignement de leurs parents, les mêmes traditions familiales. Ils ont probablement passé des heures à discuter sur l’interprétation de la loi, sur les priorités à observer parmi tous les commandements de la tradition juive. Il n’est donc pas étonnant que l’on retrouve danseurs propos respectifs un certain nombre de convergences. Je ne vais pas chercher des exemples entre les différents évangiles, mais ce que je dis est assez flagrant si l’on s’en tient au sermon sur la montagne.
Est-ce que vous avez repéré à la lecture du texte de Jacques des thèmes qui sont déjà présents dans le sermon sur la montagne ?
La colère. Jésus dit : «Je vous le déclare tout homme qui se met en colère contre son frère mérite de comparaître devant le juge. Celui qui le traite d’idiot mérite d’être jeté dans le feu de l’enfer. » (Mat 5.22)
« Rejetez tout ce qui salit » dit Jacques, donc vous voyez l’idée que le croyant doit préserver une forme de pureté ou de sainteté. Qu’est-ce qu’on trouve d’équivalent dans le sermon sur la montagne ? « Soyez donc parfaits tout comme votre père qui est au ciel est parfait. » (Mat 5.48)
Jacques à nouveau : « Ne vous contentez pas d’écouter la parole de Dieu, mais mettez-la réellement en pratique. » Jésus va exactement dans la même direction : « Ce ne sont pas tous ceux qui me disent ‘Seigneur, Seigneur’ qui entreront dans le royaume des cieux, mais seulement ce qui font la volonté de mon père. » (Mat 7.21) Ou bien encore : « Quiconque écoute ce que je viens de dire et le met en pratique sera comme un homme intelligent qui a bâti sa maison sur le roc. » (Mat 7.24)
Jacques recommande de savoir maîtriser sa langue. Jésus ne dit pas autre chose : « Quand vous priez, ne répétez pas sans fin les mêmes choses comme les païens : il s’imagine que Dieu les exaucera s’il parle beaucoup. Ne les imitez pas ! » (Mat 6.7)
Enfin dernier thème chez Jacques : celui de la solidarité envers les veuves et les orphelins. Jésus précise de quelle manière elle doit se faire : « quand ta main droite donne quelque chose à un pauvre, ta main gauche elle-même ne doit pas savoir. Ainsi il faut que ton don reste secret, et Dieu ton père qui voit ce que tu fais en secret, te récompensera. » (Mat 6.2)
Vous ne trouvez pas qu’elle est troublante cette longue liste de parallélismes dans l’enseignement de ces deux hommes, de ces deux frères ? Si Jésus par son enseignement cautionne ainsi le discours de Jacques, nous ne pouvons pas nous permettre de rejeter cette épître ou de la considérer comme un écrit mineur. N’en déplaise à Martin Luther, nous devons considérer l’enseignement de Jacques comme totalement conforme à la pensée profonde de Jésus, à sa manière de comprendre la véritable religion. Vous le savez d’ailleurs, Jésus a toujours maintenu cet équilibre entre la prière et l’action, entre le respect des Écritures et l’attention portée aux plus pauvres, aux plus petits, aux plus fragiles. Lorsque les foules qui le suivaient et qui écoutaient son enseignement se retrouver à avoir faim, il a dit à ses disciples « donnez-leur vous-même à manger. » Mais aux foules, il disait « L’homme ne vivra pas de pain seulement, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. » Vous le voyez on a là chez Jacques comme chez Jésus un modèle d’équilibre de la foi.
2- Mettre en pratique la parole de Dieu
Est-ce que les juifs à l’époque Jésus ne mettaient pas en pratique la parole de Dieu ? Bien sûr que si, mais ils la mettaient en pratique sur des points que Jésus considère comme non essentiels.
Vous pinaillez pour donner à Dieu la 10e partie des herbes aromatiques que vous cultivez dans votre jardin, mais le jour où il faut soutenir financièrement vos parents âgés, il n’y a plus personne ! » Bon je reconnais que j’actualise un peu la parole de Jésus mais en substance c’est ce qu’il dit… Il s’agit donc de mettre en pratique la parole de Dieu dans des comportements et dans des gestes
qui ont du sens, qui font sens, qui témoignent de l’amour de Dieu pour tous les humains, de la compassion qu’il a à l’égard des plus petits, du souci de justice qu’il manifeste au travers de sa loi, de la solidarité qu’il nous recommande, pour ne pas nous enfermer dans nos égoïsmes étroits. Pour Jacques comme pour Jésus, c’est très clair : les œuvres sont indispensables à la santé de la foi, à la vie spirituelle du croyant. Dans l’évangile de Jean, Jésus dit : « Si quelqu’un croit en moi, il fera les œuvres que je fais, il en fera même de plus grandes. » (Jn 14.12) Ailleurs dans ce même évangile, il dit à ses disciples à propos d’un aveugle de naissance : « cet homme est aveugle afin que l’œuvre de Dieu sont manifestée en lui. » (Jn 9.3) Vous voyez donc où se situe la priorité des œuvres pour Jésus : guérir, secourir, tendre la main, toucher le lépreux, nourrir celui qui a faim. On est loin du folklore religieux que sont les interdits alimentaires, les franges aux vêtements, la prière X fois par jour, le repos hebdomadaire, le pèlerinage obligatoire ou le lutte contre tout ce qui porte atteinte à l’image du prophète… Les œuvres de compassion sont indispensables pour pouvoir s’approcher du Dieu de compassion, l’amour du prochain est indispensable pour pouvoir s’approcher du Dieu qui nous a aimé le premier, malgré nos révoltes. *
Mais si les œuvres sont utiles dans la vie du croyant, elles sont de même indispensables à la santé des Églises. Qu’il s’agisse d’œuvres comme la Cimade, le CASP, l’Armée du Salut, la Fondation John Bost, l’ACAT, La Mission Populaire, La Cause et même notre petite association diaconale qui vient de se créer : il est sain pour les Églises que les membres militent dans ses œuvres comme bénévoles ou qu’ils les soutiennent sur le plan financier. C’est signe d’une bonne santé spirituelle.
Il y aura du souci à se faire pour l’avenir des Églises lorsque nous verrons les croyants se replier
dans leur chapelle pour écouter des enseignements qui leur font du bien sans chercher à les mettre en pratique.
Cet appel à mettre la foi en pratique, à vivre la Parole de Dieu comme une loi parfaite qui donne la
liberté se retrouve dans le Sermon sur la Montagne. Souvenons-nous de la parabole du fou et du
sage : fou celui qui écoute et ne met pas en pratique, sage celui qui écoute et met en pratique. La
maison du sage, bâtie sur le roc, va pouvoir résister aux épreuves du temps. Les œuvres sont indispensables à la santé des croyants et de l’Église.
3- C’est quoi une religion authentique ?
La Cause qui fête ses 100 ans cette année, a toujours eu ce souci de mettre la foi en pratique dans de multiples actions de solidarité. Freddy Durleman, le fondateur, était dans sa jeunesse très proche du mouvement qu’on appelait le christianisme social. C’est un mouvement qui est né au XIXe siècle sous l’impulsion du pasteur Wilfred Monod, le père du célèbre naturaliste Théodore Monod. Monod se refusait à séparer la terre et le ciel, le profane et le sacré, les croyants et les incroyants, aujourd’hui et l’éternité. Il a toujours cherché à unir le volet social du christianisme et le volet spirituel du christianisme. La Cause est une émanation directe de cette théologie qui se veut équilibrée, qui cherche en même temps un profond enracinement dans l’Écriture, dans l’enseignement de Jésus, dans les fondements de la foi protestante, avec le souci que ce socle solide nous projette vers les autres, vers ceux qui sont encore dans la nuit, vers ceux qui ne voient aucune lueur d’espoir en ce monde. Ésaïe disait : « Le jeûne auquel je prends plaisir, le voici : libérer les enchaînés, rendre la liberté aux opprimés, partager le pain, ouvrir sa maison aux sans-abri, ne pas se détourner de son frère. » (Esaïe 58.6-7) Jacques s’inscrit tout à fait dans cette lignée lorsqu’il appelle de ses vœux une « religion pure et authentique », et la définition qu’il en donne c’est de protéger les « orphelins et les veuves ».
Vous verrez tout à l’heure dans le petit temps d’information que nous aurons au sujet de La Cause, que ce sont deux aspects très importants de son œuvre aujourd’hui parmi les 4 départements qui travaillent en son sein.
Je voudrais dire encore deux mots à propos de la paroisse de Romans qui a connu une évolution spirituelle tout à fait intéressante. Il y a 4 ou 5 ans, elle a traversé une période de crise qui a failli créer de sérieuses divisions internes. Plutôt que de laisser le ressentiment prendre le dessus, la communauté s’est mobilisée dans l’écoute de la Bible et dans la prière, elle s’est réconciliée, et elle se sent aujourd’hui suffisamment nourrie et suffisamment forte pour s’ouvrir à une dimension diaconale, en créant l’Association des Protestants Solidaires. Xavier Jouitteau l’a déclarée en préfecture de Valence il y a une dizaine de jours. Cette démarche relève d’une prise de conscience
de ce que disent Jacques et Jésus : « Ne vous contentez pas d’écouter la parole, mais mettez-la
réellement en pratique. »
Vous voyez, il est bon que cette lettre de Jacques figure dans le Nouveau Testament, car elle aborde de nombreuses questions très concrètes de l’existence et elle est pour nous une incitation à rechercher sans cesse la cohérence entre notre foi et notre vie relationnelle.
Amen