Lectures
Psaume 43 (Judica) et
Jean 11,1-45 – Au téléphone nous ne lisons que les versets 1 à 27.
Feuille de culte
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Musique d’ouverture : BWV 92: « Ich habe in Gottes mein Herz und Sinn ergeben » (J’ai remis à Dieu mon coeur et ma raison ») Cette cantate de Bach a été construite sur la mélodie du français Claudin de Sermisy qui a inspiré le deuxième chant de ce matin.
Prédication (télécharger le pdf)
A priori il n’y a aucun liens entre ces deux textes bibliques. L’un est une supplication qui demande l’intervention de Dieu, l’autre est l’histoire relativement connue de la résurrection de Lazarre, l’ami de Jésus. Or cette histoire, longue et pleine de rebondissements, est bien difficile à appréhender : Jésus ne cesse de surprendre le lecteur par son comportement.
Ainsi, lorsqu’il apprend la maladie de son ami Jésus tarde à se mettre en route (v.6). Mais soudainement il décide d’y aller dare dare, quelque soit le danger (v.7). Ou alors, dans un premier temps il se réjouit de ne pas avoir été là au moment de la mort de son ami (v.15), mais quand il arrive sur place il se met à pleurer, il fond en larme (v.36). Quant à la mise en scène de la résurrection de Lazarre, elle déborde de détails originaux, au point de marquer à jamais l’imaginaire de générations d’enfants sur les bancs de l’école biblique… Oui vraiment il y a de quoi être déboussolé.
Prenez le temps de relire lentement cette histoire, prenez le temps d’observer toutes les interactions entre Jésus et ses différents interlocuteurs, et vous verrez à quel point ces personnages sont eux aussi déboussolés. Ils sont tantôt accablés par le deuil, tantôt révoltés contre Jésus, tantôt enfermés dans le fatalisme. Quant aux disciples, ils sont de véritables pantins dans cette histoire, des pantins qui ne comprennent rien. Et puis il a la foule. Beaucoup de gens sont venus, beaucoup de gens sont témoins de la scène car Lazarre était quelqu’un de connu. Ces témoins préfigurent déjà la foule des rameaux et la foule de la crucifixion de Jésus.… Mais n’allons pas trop vite. Pour le moment nous constatons seulement que tous ces gens sont ébranlés par la mort de Lazarre. Il sont tiraillés par des sentiments contradictoires comma la colère, le fatalisme ou la curiosité. Ils ne sont pas solidaires dans la douleur mais éparpillés dans leurs angoisses comme des moutons dans la montagne.
Marie puis Marthe, les soeurs de Lazarre se font les portes-parole de la sidération générale. Elles interpellent Jésus l’une après l’autre pour lui dire « Seigneur, si tu avais été ici mon frère ne serait pas mort ! ».
Oui, prenez le temps d’étudier l’attitude de chacun des interlocuteurs de Jésus. Vous y retrouverez toutes nos attitudes d’aujourd’hui. Ne sommes nous pas nous aussi éparpillés chacun dans nos maisons pour cause de confinement ? Ne sommes nous pas nous aussi tiraillés par des sentiments contradictoires de colère, de fatalisme, et de curiosité ? Ne sommes nous pas, nous aussi en quête de vérité et de justice ?
Oui en quête de justice :
Pourquoi cette épidémie nous contraint-elle à enfermer les personnes âgées ?
Pourquoi Dieu laisse-t-il cette épidémie aggraver les cas de violences conjugales ?
Pourquoi Dieu laisse-t-il cette épidémie compliquer encore un peu plus le quotidien des pauvres, des sans-domicile-fixe et des migrants ?
Si Dieu est amour pourquoi permet-il cela ?
Si Jésus est vivant pourquoi sommes-nous encore si inquiets ou si triste ?
C’est justement là que le psaume 43 prend tout son sens : « Ô Dieu rends-moi justice ! Toi, mon Dieu tu es mon protecteur. Pourquoi m’as-tu rejeté ? Mes ennemis m’écrasent et je dois vivre dans la tristesse. Oui pourquoi ? Envoie moi ta lumière et ta vérité. »
Le dimanche que nous vivons aujourd’hui est le cinquième dimanche du carême. Il prend le nom de « Judica » en référence aux premiers mots de ce psaume 43 : « rends-moi justice ». Oui ce dimanche nous invite à tourner les yeux vers Jésus comme celui qui par excellence a été victime de l’injustice. Ce cinquième dimanche est celui qui nous fait entrer dans le temps de la passion de Jésus. Traditionnellement celle-ci n’est pas commémorée seulement le vendredi saint mais elle commence une dizaine de jours avant. Car la passion de Jésus est-une terrible injustice dont il nous faut prendre conscience. Et ce dont-il nous faut prendre conscience surtout, c’est que nous sommes complices de cette injustice.
Sur la croix Dieu n’a pas empêché l’accomplissement de cette injustice, mais en la laissant agir Dieu révèle au grand jour tous les visages des complices de cette injustice.
Et alors nous découvrons horrifiés que notre propre visage en fait partie.
Que ce soit sous le traits de la foule qui se laisse entraînée,
que ce soit sous les traits de Judas, ce disciple passionné que le zèle a rendu fou
Que ce soit sous les traits de Pilate, emprisonné par la responsabilité de maintenir l’ordre.
Que ce soit sous le traits de Pierre qui trahit son meilleur ami
Que ce soit sous les traits des femmes au pied de la croix qui observent impuissantes le désastre.
Voilà pourquoi nous ouvrons ce temps par la supplication : « ô Dieu rends moi justice ! ».
« Rends-moi juste » cela signifie : « Fais que je ne sois plus complice de l’injustice de ce monde ».
Soeurs et frères, que ce temps de confinement imposé soit pour nous l’occasion de découvrir à quel point Dieu est amour. Parce qu’il nous rend juste. Ce qui veut dire qu’il enlève en nous toute culpabilité, qu’il guérit toutes nos blessures, c’est cela le salut. Être ajusté à Dieu. Être ajusté à sa beauté, à sa sainteté. Et même si nous sommes encore témoins d’injustices et de violences aujourd’hui, même si nous ne comprenons pas la manière dont Dieu intervient dans ce monde, nous savons une fois pour toute qu’il est vainqueur de la mort.
Et que la vie de chacun de nous est infiniment précieuse à ces yeux.
Amen
Pour aller plus loin et se préparer pour le temps de la passion :
- Écouter la chanson de Guy Béart : le premier qui dit la vérité. Elle nous est proposée par Jean-Pierre Stenberger dans le dossier d’étude biblique de cette année sur le thème de la vérité.
« Un jeune homme а cheveux longs grimpait le Golgotha
La foule sans tête, était а la fête
Pilate a raison de ne pas tirer dans le tas
C’est plus juste en somme , d’abattre un seul homme.
Ce jeune homme a dit la vérité, il doit être exécuté… »
- Écouter Komm süsser Tod, une proposition de notre chef de choeur, Jean-Marc André
[Image : Et pendant ce temps la monnaie du pape enrichit le jardin de notre président du conseil presbytéral…]