Vidéo tournée au temple de Romans.
Merci à Christian Bonnet pour le formidable travail technique !
– Texte de la prédication –
Le chemin vers Emmaüs // Luc 24,13-35
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Je vous invite à chercher dans votre mémoire quelques exemples de livres illustrés pour enfants. Vous verrez que, aussi bien à l’époque de votre enfance qu’aujourd’hui, ces livres sont remplis d’animaux merveilleux.
Or force est de constater que la plupart de ces gentils animaux qui reviennent au fil des histoires, sont les uns après les autres menacés de disparitions. Éléphants, ours, baleines, dauphins, hirondelles, poisson clown, girafe… tous ces animaux qui peuplent notre imaginaire et dont nous remplissons l’imaginaire de nos enfants vont progressivement être rangés au musée de l’ancien monde. Evidemment quelques uns comme les rats, les loups, le corbeaux, les chats semblent moins menacés que d’autres mais cela n’empêche pas de constater que de manière générale, le fossé entre notre représentation du monde et la réalité, s’agrandit d’année en année.
En gros, plus la biodiversité est menacée, plus les moyens pour la représenter virtuellement augmente et finalement moins nos enfants en font l’expérience réelle.
Mettre les mains dans le cambouis, que ce soit dans le bac à sable ou dans l’atelier de mécanique, devient de plus en plus le privilèges de quelques « inconscients ».
Si l’on n’y prend pas garde nos enfants vivront bientôt dans des bulles coupées du monde et donc au final, coupées de la vie !
Un sondage dont les résultats ont été publiés ce vendredi, révèle que 2/3 des parents ne souhaitent pas que leurs enfant reprennent le chemin de l’école à la fin du confinement. 2/3 !! Parmi eux certains ont des raisons valables, comme le fait d’avoir à la maison une personne qui ne doit surtout pas attraper le virus. Mais je crois que pour la plupart des situations, la motivation est plutôt le signe d’un repli sur soi faisant croire qu’on sera plus à l’abri dans le cocon du foyer, en se coupant du monde.
Or pour ce qui est de l’évangile, sa force et sa pertinence c’est d’être ancrée dans le réel, dans le quotidien de ceux qui le vivent.
Voyez les paraboles de Jésus qui font référence à toute la vie quotidienne de l’époque : paysans, collecteur d’impôts, soldats romains, scribes, lis des champs, filet de pêche, etc…
Et en particulier dans le texte que nous venons de lire, bien des éléments montrent que les disciples font l’expérience de la résurrection, non pas par visio-conférence ou par journal de 20h interposés, mais directement, dans le monde réel.
En convoquant tous leurs sens !!
- Ils sont « en chemin » : muscles des jambes sont mis à contribution…
- Ils discutent : pas uniquement entre eux mais aussi avec un inconnu sans avoir vérifié auparavant son identité, sa carte de séjour, son casier judiciaire ou son certificat de non contagion…
- Autre chose : au moment où la nuit tombe, ils doivent se mettre à l’abri. Le rythme biologique joue son importance. Dans l’alternance entre le jour et la nuit il se passe quelque chose.
- Ils décident de manger avec lui, dans l’idée de reprendre des forces après une longue marche bien sûr.
- Et c’est alors qu’ils le voient enfin bénir et rompre le pain. Un vrai pain. Pas une vidéo, comme nous sommes malheureusement en train de la faire maintenant…
- Et une fois qu’il reconnaissent Jésus, leur premier réflexe n’est pas d’envoyer un message whatsapp aux amis. Non c’est de se lever, d’affronter la nuit pour refaire tout le chemin inverse vers Jérusalem, pour y retrouver les autres disciples. En chair et en os.
L’évangile s’ancre donc dans l’épaisseur de la vie. Et cette épaisseur de la vie nous pouvons la caractériser par deux choses :
- l’expérience sensorielle
- l’inscription dans un temps long (il y a un avant et un après)
Si l’on n’y prend pas garde, nous laisserons notre époque moderne nous couper de toute cette épaisseur constitutive de la vie et surtout constitutive de notre liberté. Sans apprentissage par l’expérience il n’y a pas d’autonomie possible, et sans autonomie il n’y a pas de liberté.
En d’autre terme je crois que tourner le dos au monde réel cela revient à tourner le dos à l’Evangile.
En effet en Deutéronome 30,11 il est ecrit : « la parole de Dieu n’est pas tout la haut dans le ciel, au contraire elle est tout près de toi, dans ta bouche et dans ton coeur, afin que tu la mettes en pratique ».
Le fossé entre le monde réel (avec son épaisseur ) et le monde fantasmé (indolore et immédiat), n’a pas commencé avec le confinement. Il existait déjà avant. Disons que le confinement avec la hausse du télé-travail, de la télé-école et même de la télé-louange, est en train de le pousser à l’extrême au point qu’on se demande si on en sortira un jour.
Le drame ce n’est pas que les plus anciens ont du mal à s’adapter au monde virtuel fantasmé (la fameuse fracture numérique), non le drame c’est que les plus jeunes risquent de ne plus connaître le monde réel des anciens. Ce monde dans lequel il fallait marchait pour aller à l’école, dans lequel on avait déjà vu comment tuer une poule, dans lequel on sait qu’il faut se baisser pour ramasser une pomme de terre et enlever le liseron tous les jours dans le potager…
Il nous faut résister à la désintégration de la création qui est à l’oeuvre aujourd’hui.
Oui il y a quelque chose de l’ordre de la résistance, du combat voir de la lutte charnelle au corps à corps.
On me répondra que l’évangile n’a qu’à s’adapter. Certes, cela a toujours été le cas et ce sera toujours le cas, l’évangile est tellement puissant qu’il trouve toujours un moyen de s’adapter aux époques, aux différentes cultures et aux différents langage mais si nous poussons nous même trop loin cette adaptation, on prend le risque de le faire basculer purement et simplement dans le monde imaginaire et virtuel.
Allez hop, exit la bonne nouvelle en Jésus-Christ on la catapulte dans le joli monde de Disney, avec les gentils ours, éléphants, girafes, baleines, mésanges bleues et Père Noël….
Notre peur de l’inconfort et du « monde extérieur » me fait penser aux hébreux qui à peine libérés de l’esclavage se disaient après quelques nuit inconfortables dans le désert : « ah , qu’est ce qu’on était bien en Egypte. On était esclave certes, mais au moins on avait les marmites chaudes et pleine de viande… »
Voulons-nous vraiment devenir esclaves ? Non bien sûr que non. Car l’évangile c’set justement une puissance de libération. C’est un appel à arpenter courageusement le chemin de la vie, de la vie réelle. Et rassurez -vous, nous pouvons le faire même en restant confinés chez nous. Même en appliquant rigoureusement toutes les mesures nécessaires pour limiter la propagation du virus.
Ce chemin de notre vie est éprouvant mais c’est un chemin plein de surprises et de joie.
Ce chemin de notre vie est éprouvant mais il est promis à une destination douce et heureuse.
Tout au long du chemin nous ne sommes pas seul car Christ, le ressuscité, nous accompagne, tout comme il a accompagné les disciples si éprouvés qui marchaient vers Emmaüs.
Alors ne nous décourageons pas, résistons et veillons. Amen.
Quel la joie de Dieu nous habite,
Que la paix de notre Seigneur,
Ici bas jamais ne nous quitte
Mais qu’elle habite notre coeur.
Alleluia 62-79